Transporteur d'œuvres d'art : allier passion et protection afin de préserver notre patrimoine artistique

Publié le 19/02/2016 17:31 | Mis à jour le 17/09/2024 17:57 | 6 min de lecture

Après une première édition à la Villette, le salon d’art contemporain international Art3f s’est tenu au Parc des Expos de Porte de Versailles du 12 au 14 février dernier. 200 artistes et galeries se sont réunis pour présenter des œuvres de Pasqua, Soulages, Stael.

Une fois l’exposition terminée, les œuvres d’art retournent chez le particulier ou chez le galeriste qui les a confiées. Comment les œuvres d’art sont-elles transportées ? Que se passe t-il en cas de casse ? Existe-t-il des assurances spécifiques pour les propriétaires d’œuvres d’art ?  Nous avons souhaité mettre en lumière un métier de l’ombre : convoyeur et emballeur d’œuvres d’art, indispensable dans la relation galeristes et collectionneurs.

Entretien avec Benoît Béguin, dirigeant de CORNU, entreprise spécialisée dans le transport et l’emballage des œuvres d’art.

20151020_110908-1024x768

En quoi consiste le métier de convoyeur et emballeur d’œuvres d’art ?

Le métier de convoyeur et emballeur consiste à maîtriser parfaitement tous les rouages de l’emballage et de l’expédition des objets les plus fragiles et précieux. Ce travail demande un vrai savoir-faire et une très grande expérience.

Tout l’enjeu est de savoir transporter et protéger des objets hors gabarit en formant des équipes aux manipulations des objets les plus fragiles. Nous fabriquons des emballages sur mesure de toutes tailles en bois ou carton triple, avec garnissage et protection spécifique. Cette expertise est proposée pour des missions délicates, complexes, et périlleuses et nous amène à développer « Le sens de l’exceptionnel ».

Quelle est la « Check List » à prévoir pour transporter des œuvres d’art dans les meilleures conditions ?

Il faut en priorité comprendre que la marchandise qui nous est confiée représente pour son propriétaire la chose la plus précieuse au monde. C’est pourquoi nous avons un véritable échange avec lui avant en amont d’une logistique parfaitement huilée.

Chaque étape de nos missions est cruciale et nous devons redoubler de vigilance... Nous ne pouvons pas nous contenter d’approximation.

Nous devons respecter le cahier des charges du client, connaître parfaitement l’histoire de l’œuvre, les différentes matières qui la composent, connaître les dimensions exactes (longueur, largeur et hauteur), mais aussi le poids, et respecter les délais qu’ils nous demandent.

Première étape : visualiser les parties les plus sensibles, les restaurations éventuelles qui ont pu fragiliser l’objet, mais aussi les soudures, fixations, collages, toutes les zones qui ne pourront pas servir d’appui pour un calage. Également le centre de gravité. Les matériaux utilisés, vernis, patine, laques, peintures spéciales…

C’est ensuite à nous d’emballer l’œuvre en fonction de ces éléments. Il y a d’abord une protection de contact autour de l’œuvre, ensuite l’emballage doit inclure des protections anti vibration et aussi une totale étanchéité que ce soit au niveau de l’eau ou de l’air. Vient ensuite la logistique du transport en fonction de la taille et du poids.

Une œuvre dépassant 1m60, ne pourra pas voyager en soute d’avion, mais en avion-cargo. Il faut élaborer les documents pour le passage en douane et organiser sa réception.

Ya-t-il des œuvres « intransportables » ?

Dans notre métier toutes les œuvres sont transportables, mais certaines nous imposent des limites. Certaines œuvres, même, avec beaucoup de protections, sont difficiles à déplacer. Par exemple, nous avions la responsabilité de transporter une œuvre en verre soufflé très fine avec à l’intérieur des tiges de fer. La grande difficulté a été de déplacer l’œuvre depuis l’atelier de l’artiste.

Il y a aussi des contraintes de sécurité, une œuvre de plus de 2m, créée à partir de matériaux très inflammables, est une véritable bombe. Elle ne peut être acceptée en avion, même avec un emballage réglementé IATA.

Quel est le délai à prévoir pour faire emballer et transporter une œuvre ?

Tout est mis en œuvre pour satisfaire les exigences du client et répondre dans la journée à l’urgence. Nous nous obligeons à toujours avoir dans notre planning un créneau disponible pour les urgences. Le délai varie en fonction de la destination et du mode de transport.

Quelles sont les précautions à prendre d’un point de vue assurance ?

Pour avoir la meilleure couverture il est indispensable que le client puisse justifier la valeur de l’objet, par écrit. Ce montant contractualisé constituera le maximum d’indemnité. En cas de réclamation, à charge pour le client d’être en mesure de justifier cette valeur par une facture ou une expertise antérieure à la date ou le bien a été confié.

A défaut, l’indemnité sera déterminée à dire d’expert dans la limite de la valeur déclarée. Il faut constater avec des photos l’état du bien confié à la réception. Photos d’ensemble ou plus précises sur des endroits qui auraient déjà été endommagés par le temps ou par un choc antérieur.

Au moment de l’emballage et du déballage, il convient de s’appuyer sur des constats incontestables dans le but de protéger les intérêts de chacun. Le contrat d’assurance mis en place devra être ad valorem en tous risques sauf pour garantir au propriétaire en cas de problème une parfaite indemnisation. Nous installons également des « témoins de choc » sur l’ensemble de nos caisses qui nous permettent de suivre le bon déroulement du transport.

Quel est le cas qui vous le plus marqué ? Avez-vous des anecdotes à nous raconter ?

L’anecdote d’un artiste en pleine inspiration qui en pleine création a conçu une œuvre monumentale qui ne passait pas par la porte de son atelier. Pour éviter de casser les murs, nous avons dû couper l’œuvre en deux.

Autre cas, le fuselage entièrement reconstitué du DC10 de UTA qui suite à un attentat avait explosé au-dessus du désert du Ténéré au Niger. Cette structure qui sert aujourd’hui pour la formation des experts du BEA à Toulouse devait être démontée, emballée, pour rejoindre le centre de formation.

Enfin, nous avions emballé une œuvre monumentale d’animal. Notre caisse a été hélitreuillée pour passer les montagnes.

Merci à Benoit Béguin pour son témoignage sur ce métier passionnant et exigeant !

Malgré leur expérience et l’ensemble des précautions employées par les transporteurs d’œuvres d’art, le risque 0 n’existe pas. Il est important d’assurer vos œuvres d’art afin de compenser les pertes financières liées à la restauration de l’œuvre. Pour plus d’informations, découvrez nos offres réservées aux collectionneurs et aux professionnels de l’art.