reforme seuil tva auto entrepreneur

Réforme des seuils de TVA des autoentrepreneurs : est-elle abandonnée ?

Publié le 17/04/2025 18:05 | Mis à jour le 17/04/2025 18:22 | 5 min de lecture

La réforme sur les seuils d’exonération de TVA, inscrite dans le budget 2025, n’a pas seulement fait du bruit. Elle a provoqué un séisme chez les autoentrepreneurs. En réduisant à 25 000 € le seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel un professionnel devient redevable de la TVA, le gouvernement bouleverse les équilibres économiques d’un régime déjà fragile.

Cette mesure concerne plus de 200 000 micro-entreprises, souvent mono-actives, parfois saisonnières, avec des cycles de trésorerie tendus. Elle frappe sans distinction des professions aussi diverses que les indépendants du bâtiment, les métiers de la santé, ou les services à la personne. Pour beaucoup, c’est une redevabilité administrative supplémentaire, un coût caché, et une complexité fiscale sans accompagnement réel.

Une architecture fiscale bancale et sans filet

Jusqu’à présent, le régime de TVA des autoentrepreneurs reposait sur deux seuils différenciés, adaptés à la nature des activités :

  • 37 500 € pour les prestations de service,
  • 85 000 € pour les activités commerciales.

Le nouveau plafond unique à 25 000 € ne tient aucunement compte des charges structurelles spécifiques à chaque métier. Un professionnel du bâtiment ne gère pas sa marge comme un graphiste freelance. Pourtant, le texte les traite à égalité.

Le projet initial prévoyait une mise en œuvre dès janvier. Le tollé provoqué, notamment via une pétition ayant recueilli plus de 100 000 signatures, a forcé l’exécutif à repousser l’échéance au 1er juin. Mais ce recul ne règle rien. Il ne règle ni la méthode, ni la légitimité d’un amendement introduit tardivement dans le débat parlementaire, ni le manque d’anticipation pour les entreprises concernées.

Un rendement budgétaire contesté

La réforme devait rapporter 400 millions d’euros, dont la moitié pour l’État. Avec le report, les sénateurs estiment ce rendement à seulement 150 millions d’euros, soit moins que les surcoûts de gestion induits pour les entreprises.

Et pour cause : l’assujettissement à la TVA oblige un autoentrepreneur à refacturer la taxe à ses clients non récupérateurs, c’est-à-dire à la quasi-totalité de ses particuliers. Cela augmente mécaniquement ses prix, sans gain réel. Beaucoup risquent de passer sous le seuil pour y échapper, en refusant des contrats ou en fractionnant leur activité. D'autres devront supporter seuls le poids de la TVA, en rognant leur marge.

L’effet de seuil est ici destructeur. Contrairement à ce que certains suggèrent, franchir le plafond ne se traduit pas par un simple ajout de 20 % sur les factures. Cela suppose la gestion d’un régime réel simplifié ou réel normal, des obligations déclaratives mensuelles ou trimestrielles, une comptabilité rigoureuse et souvent le recours à un expert-comptable. Pour un micro-entrepreneur, c’est un changement de modèle économique.

L’effet domino pour les assurances professionnelles

Loin d’être un détail technique, cette réforme modifie directement votre exposition au risque fiscal, et donc l’appréciation de votre profil par les assureurs.

En tant qu’assuré, si vous passez au régime réel, vous êtes tenu à une comptabilité commerciale plus lourde, à des déclarations TVA précises, et à une cohérence stricte entre les montants facturés, encaissés, et déclarés. En cas de redressement, les erreurs de calcul ou d’application de taux de TVA peuvent engager votre responsabilité. Les assurances RC pro incluent rarement ce type de risques.

Votre contrat d’assurance doit être revu si vous devenez assujetti à la TVA. Cela implique de vérifier que vos garanties couvrent bien les conséquences d’erreurs fiscales, mais aussi les risques liés à la facturation erronée ou à la mauvaise application du régime.

Autre conséquence : le changement de régime fiscal peut, dans certains cas, modifier le statut même de l’entreprise vis-à-vis de certains contrats multirisques professionnels, notamment ceux liés à l’exploitation. Une clause peut faire basculer votre couverture en cas de changement de régime déclaratif.

Une réforme contestée, mais toujours sur la table ?

Face à l’opposition du Sénat et des principales organisations d’indépendants, le gouvernement a tenté un nouvel arbitrage. Dans le cadre du projet de loi simplification, il a proposé un seuil différencié : 25 000 € pour le bâtiment, 37 500 € pour les autres secteurs.

Mais l’amendement a été déclaré irrecevable. Il ne s’agissait donc pas d’une inflexion stratégique, mais d’un mouvement politique opportuniste. La réforme reste, dans les faits, suspendue à une éventuelle reprogrammation budgétaire ou à un réexamen technique. Rien ne garantit son abandon définitif.

Vous devez donc anticiper un scénario dans lequel la réforme revient en vigueur, avec un calendrier resserré. Cela signifie deux choses :

  • Revoir votre modèle de facturation pour calculer vos marges après TVA.
  • Vérifier les clauses fiscales et comptables de vos contrats d’assurance pro.

Dans les prochains mois, il faudra scruter non seulement les textes de loi, mais aussi les conditions de mise en œuvre opérationnelle, notamment les obligations déclaratives automatiques qui pourraient être imposées par l’URSSAF ou les centres de gestion agréés.

Si vous exercez dans un secteur à cycle irrégulier (bâtiment, événementiel, consulting), vous êtes directement concerné. Le bon réflexe est de calculer votre chiffre d'affaires moyen mensuel sur les trois dernières années, de simuler l’impact de l’entrée dans le régime de TVA, et d’intégrer ce scénario dans votre plan de charges et votre projection de trésorerie.

Ne vous contentez pas d’attendre. Anticiper, c’est ne pas subir.