3 questions à Laurence Raguideau : Les risques liés au secteur de l'interim
3 questions à Laurence Raguideau Responsable Marché Professions des Services et du Conseil chez Hiscox
1. Quels sont les principaux risques auxquels sont exposés les professionnels de l’intérim ?
Que ce soit en période de plein emploi ou en période de crise économique, les entreprises ont toujours recours à l’intérim. En 2013, ce recours a encore augmenté. En effet, en octobre 2013, le nombre d'intérimaires en équivalents temps plein (ETP) s'établit à 580 400 : un chiffre en hausse de 0,3% sur un mois et 2,7% sur un an (sources pole emploi / UNEDIC). Les professionnels de l’intérim peuvent non seulement être mis en cause dans le cadre d'erreurs, fautes ou omissions qu'ils sont susceptibles de commettre dans l’exercice de leur activité professionnelle, mais notre analyse du secteur nous montre qu’ils sont aussi particulièrement vulnérables en leur qualité propre d’employeurs. Une des spécificités de leur activité réside en effet dans le fait qu’ils sont employeurs d’un grand nombre de personnes dont ils sont éloignés au quotidien, ce qui accentue les risques auxquels ils sont confrontés.
Leurs risques majeurs sont les suivants :
1. Perdre des documents, oublier d’en demander ou de les faire signer :
Les entreprises de travail temporaire doivent collecter et vérifier de nombreux documents. Par exemple, elles doivent vérifier les casiers judiciaires des candidats, les compétences à la conduite d’engins, les compétences humaines (vérification des diplômes, des équivalences, de l’expérience, etc.) mais aussi les compétences psychologiques, physiques et psychiques. Par ailleurs, ces structures doivent être réactives et doivent aller toujours plus vite au risque de générer des erreurs ou des omissions. C’est très marquant pour les entreprises du travail temporaires spécialisées dans le domaine du BTP et/ou des transports, où les missions sont les plus nombreuses et de très courte durée. Par exemple, les contrats sur les chantiers durent généralement 15 jours et dans le transport, les missions peuvent être plus courtes.
2. Ne pas respecter les obligations légales et les contraintes de délai :
Le risque est en effet de ne pas fournir la main d’œuvre dans les délais souhaités par l’entreprise utilisatrice. Il faut savoir que l’entreprise de travail temporaire doit respecter des obligations légales, comme par exemple, faire passer une visite médicale à l’intérimaire dans un délai imposé de 48h après le début de sa mission. Pour information, l’absence de visite médicale peut avoir des suites pénales à l’encontre de l’employeur (article R4745-1 du Code du Travail).
3. Effectuer une mauvaise analyse du niveau de dangerosité du poste à pourvoir
L’entreprise de travail temporaire doit fournir aux intérimaires les systèmes de sécurité qui correspondent au niveau de dangerosité des missions. Ces systèmes peuvent être classiques (équipement de protection individuel type casques, chaussures, etc.) ou plus lourds pour des postes à risques avec, par exemple, une formation renforcée à la sécurité.
4. Etre mis en cause en tant qu’employeur suite à un accident du travail de l’intérimaire :
Dans le BTP ou l’industrie, les accidents du travail sont malheureusement nombreux (chute sur un chantier, accident lié à l’utilisation d’une machine, etc.) L’entreprise de travail temporaire reste l’employeur de l’intérimaire et à ce titre, elle peut faire l’objet d’une mise en cause par l’intérimaire sur le fondement de la faute inexcusable pour obtenir des indemnités plus élevées que celles accordées par la sécurité sociale.
2. Quelles sont les professions les plus exposées sur ce secteur ?
Les professions les plus exposées sur le secteur du travail temporaire sont celles qui interviennent dans les domaines suivants :
- Industrie et BTP : dans ces domaines, les accidents du travail sont les plus nombreux et la responsabilité de l’entreprise de travail temporaire en sa qualité d’employeur est souvent engagée.
- Transport : dans ce domaine, les dommages aux véhicules confiés, les problèmes d’alcoolémie, de vérification des permis de conduire sont par exemple des motifs de mise en cause.
- Médical et sport : dans ces domaines, la responsabilité de l’entreprise peut être engagée pour manquement ou faute liée aux compétences de l’intérimaire recruté, les incompatibilité des diplômes (éducateurs sportifs, infirmières, médecins, etc.)
3. Quels conseils donneriez-vous à ces professionnels pour l'année à venir ?
Les entreprises de travail temporaire doivent donc faire face à une sinistralité de fréquence. Notre conseil est de :
- recourir à un assureur spécialisé, avec de l’expérience dans la gestion des mises en cause sur le fondement de la faute inexcusable,
- avoir recours à un avocat spécialisé,
- sensibiliser les équipes grâce à une formation ou à un « guide des bonnes pratiques en cas de mises en cause liée à la faute Inexcusable » (comment constituer un dossier ?, quels sont les documents à réunir et à conserver ?, quels sont les réflexes à avoir lors de l’embauche, au moment de l’accident, dans les échanges avec la caisse primaire d’assurance maladie ?, etc.).